Partie instrumentale classée monument historique le 10 octobre 1986
Buffet classé monument historique le 9 octobre 2015
Composition d’origine
restituée en 2016
Nota: Tirasse mobile non d’origine. Elle a été rajoutée en 2016.
Racheté lors de la Révolution française par la commune d’Eschentzwiller, l’instrument a été initialement construit pour le couvent des Unterlinden à Colmar, par Jean-André Silbermann (1712-1783). Ce célèbre facteur d’orgues strasbourgeois, un des plus réputés de l’Europe du XVIIIème siècle, ne laissa pas moins de 57 instruments, tant en Alsace que sur la rive droite du Rhin, voire à Bâle ou en Lorraine. Au sein d’une production très diversifiée en fonction de leur utilisation cultuelle, suivant que les orgues étaient destinés à accompagner les chants des fidèles ou plutôt à jouer des pièces décoratives, trois instruments ont été spécialement conçus pour des couvents de moniales dominicaines, où ils devaient jouer en alternance avec le chant des religieuses. Ces « orgues de poupées », assez petits et à l’harmonie douce et poétique, comportaient tout de même trois claviers et une pédale indépendante. De ces trois ouvrages, celui construit en 1738 pour le couvent des Unterlinden et complété en 1743 par un positif de dos est le mieux conservé : ceux du couvent de Sylo à Sélestat (1750, aujourd’hui à Sundhouse) et du couvent des Catherinettes à Colmar (1772, dont des fragments de buffets sont conservés à Altkirch) sont beaucoup plus lacunaires. Comme archétype et meilleur témoin de ce modèle, l’orgue d’Eschentzwiller est donc d’une grande valeur.
Ce n’est pas qu’il ait échappé aux transformations nées des évolutions du goût musical. Lors de son transfert à Eschentzwiller, en 1793, le facteur Henry, de Thann, se limita à quelques modifications marginales. Une reconstruction beaucoup plus profonde fut entreprise au milieu du XIXème siècle, lorsque le grand-orgue fut élargi et rehaussé pour y loger une Montre 8, un Bourdon 16 et une Gambe 8, le positif de dos fut vidé pour y installer la console des claviers, le plan sonore de l’écho fut supprimé et la pédale fut agrandie en seize pieds. Longtemps l’auteur de cette intervention resta inconnu, avant que l’étude préalable rédigée en 2012 par Christian Lutz permette de l’attribuer aux facteurs suisses Burger et à les dater de 1848, données qui furent confirmées au démontage par la découverte d’une inscription dans le positif. D’autres transformations furent entreprises en 1895 par Joseph Antoine Berger, en 1930 par Alfred Berger, en 1954 par Alfred Kern et enfin en 1989 et en 2000 par Daniel Kern.
A l’issue de toutes ces transformations, l’orgue d’Eschentzwiller était devenu assez hétérogène, avec un buffet de Silbermann qui avait perdu ses élégantes proportions et un fonds de tuyauterie silbermannienne complété de jeux romantiques puis néo-baroques et desservi tant par une mécanique rétive que par un vent asthmatique. Pour redonner à l’instrument son rayonnement d’antan, la commune décida, à l’initiative de l’ARODE et avec l’accord des Monuments historiques, de le faire restaurer dans l’état de 1743. Cette redoutable mission fut confiée à la Manufacture Quentin Blumenrœder, qui avait déjà restauré ou relevé les orgues Silbermann de St-Thomas, de Ste-Aurélie et du musée des arts décoratifs de Strasbourg, ainsi que de Marmoutier, ayant ainsi acquis une grande expérience de la facture silbermannienne. Démonté en novembre 2014, longuement restauré dans les ateliers de Haguenau, l’instrument fut remonté au printemps 2016 et achevé en septembre de la même année. Il compte 1060 tuyaux, dont 631 sont encore de J.A. Silbermann, soit 60 % du total. L’orgue est classé au titre des Monuments historiques, depuis 1986 pour la partie instrumentale et 2015 pour le buffet.