L’orgue – historique complet

HISTOIRE DE L’ORGUE

(article de Christian Lutz)

Article extrait de la brochure n° 23 réedition juin 2017 « L’orgue Silbermann d’Eschentzwiller » – Société d’Histoire d’Eschentzwiller et de Zimmersheim. Vous trouverez l’intégralité des articles et des photos en vous offrant cette superbe brochure au prix de 15 euros. (voir le sommaire)


 

     Faute de documents d’archives, l’histoire ancienne des orgues du couvent des Unterlinden à Colmar est très lacunaire. Il semble qu’il y ait eu deux instruments, l’un posé en tribune et l’autre plus petit probablement placé dans le chœur.

Les orgues du couvent des Unterlinden avant Silbermann
L’ancien orgue du couvent des Unterlinden, tel qu’il a été dessiné par Johann Andreas Silbermann

     Le premier orgue cité par les archives n’est pas antérieur à 1594, lorsque le facteur d’orgues Hans Werner Mudderer, actif à Fribourg-en-Brisgau de 1571 à 1622, livra un petit orgue que Silbermann qualifia plus tard de «vieux petit positif – altes Positivlein».
En 1731, les moniales prirent contact avec le facteur strasbourgeois Andreas Silbermann pour reconstruire l’orgue de tribune, un instrument plus important mais délabré, en réutilisant une partie de la tuyauterie existante.
Silbermann avait été recommandé par les Dominicains de Colmar, pour lesquels il avait livré en 1726 un de ses chefs-d’oeuvre, actuellement conservé à Niedermorschwihr.

     Mais le facteur ne donna pas suite à ce projet, évoquant un manque de temps et le refus de réutiliser de la tuyauterie plus ancienne. Les Dominicaines firent alors affaire avec un facteur allemand, un artisan souabe de Rottweil, qui confectionna un buffet neuf en chêne, dont la façade assez lourde est dessinée dans les archives Silbermann, et un sommier neuf, mais qui réutilisa l’essentiel de la tuyauterie existante. Lorsque les trois premiers jeux avaient été posés, les sœurs comprirent que leur artisan était un incapable, elles le congédièrent et firent affaire avec Jean-Baptiste Waltrin, fils d’un facteur d’orgues strasbourgeois originaire de Lorraine, alors établi en Haute-Alsace. Celui-ci coupa en deux le sommier et descendit les quatre soufflets (de 6’ sur 2’ 7’’), qui jusqu’alors étaient installés sur une petite tribune, en en plaçant trois dans le soubassement et le quatrième dans une niche percée dans le mur. Mais malgré l’aide de son père Joseph, Jean-Baptiste Waltrin ne parvint pas à faire fonctionner l’orgue durant plus de dix semaines et le petit positif du XVIe siècle fut appelé à reprendre du service.

     La composition de l’orgue Waltrin était la suivante, telle qu’elle fut notée par Silbermann :

Composition de l’orgue Waltrin

Confrontées à ce désastre, les sœurs renouèrent très rapidement le contact avec les Silbermann, en contactant cette fois le fils d’Andreas, Johann Andreas Silbermann.

Johann Andreas, illustre représentant de la famille Silbermann

     Lorsque le vicaire général des Dominicains en Alsace lui commanda un nouvel orgue pour le couvent des Unterlinden, le 28 novembre 1736, Johann Andreas Silbermann n’était avec ses vingt-quatre ans qu’un jeune artisan, que le décès de son père Andreas, survenu le 13 mars 1734, avait placé à la tête d’un important atelier strasbourgeois de facture d’orgues. Mais il avait été à la meilleure école dans l’entreprise familiale, au sein de laquelle il travaillait depuis l’âge de douze ans, participant au montage des instruments durant les étés et confectionnant de plus en plus la tuyauterie de métal. Il n’avait livré jusque là que de petits instruments :

  • Un positif de six jeux, confectionné dès 1734, destiné à prouver qu’il était capable de construire des orgues et pas seulement des clavecins, pour contrer la rumeur colportée par ses concurrents, et qui servit d’orgue d’intérim à Saint-Thomas de Strasbourg, en 1737.
  • Un petit orgue installé en septembre 1736, à Muhlbach, dans la vallée de Munster, initialement destiné à l’église de Wasselonne et commencé par son père.
  • Un positif de quatre jeux qui servit d’orgue provisoire à Barr (aujourd’hui conservé au Mont-Sainte-Odile).

     La confiance dont fit alors preuve l’Ordre dominicain s’explique probablement par la grande réussite de l’orgue des Dominicains de Colmar, posé durant l’été 1726 par Andreas Silbermann, alors déjà assisté par son fils Johann Andreas.

     Les origines de la famille Silbermann sont à chercher en Saxe, dans les monts métallifères, au sud de Freiberg. La famille était établie dans le petit village de Kleinbobritzsch depuis la fin du XVIe siècle. C’est là que naquit Andreas Silbermann, le 16 mai 1678, d’un père charpentier. A la fin de sa scolarité, en 1691, il entra en apprentissage chez un menuisier de Freiberg, chez qui il resta jusqu’en 1694. Durant les cinq années qui suivirent, il fut formé à la facture d’orgues, chez un maître qui est resté inconnu, peut-être Johann Heinrich Gräbner, organier de la cour de Dresde.  Toujours est-il que lorsqu’il arriva en Alsace en 1699, il était déjà formé à la facture d’orgues. Son premier travail attesté est la réparation de l’orgue de l’église protestante de Bouxwiller. En 1700, il travailla quelques temps chez le facteur strasbourgeois Friedrich Ring, mais répara à son compte l’orgue des Dominicains de Haguenau en 1701. A la mort de Ring, survenue en mars 1701, Silbermann s’installa à Strasbourg, en acquérant le titre de bourgeoisie.

     Ce n’est pourtant pas à lui que l’on demanda d’achever l’orgue du Temple-Neuf, mais à Claude Legros, un facteur messin formé à Paris. Silbermann se rendit alors compte que le marché alsacien de l’orgue, très prometteur après les troubles des guerres du XVIIe siècle, allait de plus en plus être dicté par le goût français. C’est pourquoi il partit en avril 1704 à Paris, «pour s’y perfectionner encore davantage dans le goût français de l’orgue». Il y passa deux années chez François Thierry, facteur d’orgues du roi, auprès duquel il apprit les arcanes de la facture parisienne, dite «classique française». A son retour à Strasbourg, il construisit des instruments de facture plutôt française, mais avec des atavismes régionaux. Jusqu’à son décès en 1734, il construisit 34 orgues, en Haute et Basse-Alsace, mais aussi à Bâle, ainsi qu’un instrument en Allemagne.

     Son frère Gottfried, né le 14 janvier 1683 à Kleinbobritzsch, de cinq ans plus jeune que lui, fut son apprenti à Strasbourg, entre juin 1702 et l’été 1708. Revenu en Saxe en 1710 il ne tarda pas à se fixer à Freiberg, d’où il livra 45 orgues, dont beaucoup sont parvenus jusqu’à nous. La facture de ses instruments diffère considérablement de ceux érigés en Alsace, avec une palette sonore nettement plus germanique, plus adaptée aux demandes de la clientèle saxonne. Johann Andreas ne rencontra son oncle Gottfried qu’après la pose de l’orgue des Unterlinden, au printemps 1741. Resté célibataire, Gottfried mourut le 4 août 1753, durant la construction de son chef-d’oeuvre de la Hofkirche de Dresde.

     Les quatre fils d’Andreas parvenus à l’âge adulte exercèrent tous le métier de facteur d’orgues :

  • Johann Andreas, né le 24 juin 1712, prit en tant qu’aîné la direction de l’atelier à la mort d’Andreas.
  • Johann Daniel (1717-1766), qui était également organiste et compositeur, travailla de manière plus ou moins indépendante en Haute-Alsace, notamment pour les orgues des Dominicains de Guebwiller (1745, aujourd’hui à Wasselonne) et de Soultz (1750), avant de devenir le légataire universel de son oncle Gottfried et de le rejoindre en Saxe en juillet 1752 ; il ne poursuivit pas l’activité de l’atelier de Freiberg et mourut comme rentier à Leipzig.
  • Gottfried II (1722-1762) travailla dans l’atelier mais resta plus en retrait. • Johann Heinrich (1727-1799) se spécialisa dans les instruments à claviers autres que l’orgue (clavecins, épinettes, clavicordes et surtout de piano-forte), qui lui valurent une grande réputation dans l’Europe entière.
Orgue de Johann Andreas Silbermann à Saint Quirin en Lorraine

     Les premiers ouvrages de Johann Andreas se situèrent dans la lignée de ceux de son père, mais il développa peu à peu un style plus personnel, notamment à la suite du voyage de 1741 en Saxe. Il ne construisit pas moins de 57 orgues, principalement en Alsace mais aussi sur la rive droite du Rhin, à Bâle et environs (Arlesheim), voire en Lorraine comme à Saint-Quirin.

     Ses deux plus grands instruments, livrés au Temple-Neuf de Strasbourg (1749) et à l’abbaye de Sankt Blasien (1775), ont malheureusement disparu.

     Outre la facture d’orgues, Johann Andreas Silbermann exerça des fonctions publiques, notamment en tant que membre du Conseil des XV de la Ville de Strasbourg. Ce fut aussi un historien et archéologue très actif, publiant deux livres, l’un sur l’histoire de la Ville de Strasbourg (1775) et l’autre sur le Mont-Sainte-Odile (1781). Il avait également rassemblé une importante collection de monnaies anciennes. Alors que la plupart de ses notes et dessins ont disparu dans l’incendie de la bibliothèque municipale de Strasbourg, en 1870, ses cahiers consacrés à l’orgue, restés dans la famille, sont parvenus jusqu’à nous et constituent une mine précieuse pour l’histoire de l’orgue en Alsace et dans toute l’Europe.

     Pour assurer la pérennité de l’atelier du Finkwiller, il compta longtemps sur son fils Johann Daniel II (1745-1770), mais la mort prématurée de cet aîné bouleversa ses projets.

     Lorsque Johann Andreas Silbermann mourut le 11 février 1783, le seul successeur possible était son dernier fils, Johann Josias (1765- 1786), qui n’était alors âgé que de 18 ans. Mais ce dernier ne fut pas en mesure de poursuivre la tradition familiale et mourut trois ans plus tard.

La commande d’un nouvel orgue à Johann Andreas Silbermann

     Johann Andreas Silbermann profita d’un déplacement en Haute-Alsace, durant le montage de l’orgue de Muhlbach, pour venir prendre les mesures de la tribune, le mardi 25 septembre 1736. Le marché fut signé à Strasbourg le 28 novembre 1736 avec le père Philippe-Eugène de Surmont, vicaire général des Dominicains en Alsace, pour un montant de 1 500 couronnes de Strasbourg. Pour l’élévation du buffet, Silbermann reprit le dessin qu’il avait proposé un mois plus tôt pour l’église de Neuf-Brisach et qui ne fut pas suivi de réalisation. Ce fut sa première réalisation d’une tourelle centrale trilobée, qu’il avait élaborée dès 1733, avant même le décès de son père, et qui fut une sorte de signature sur beaucoup de ses instruments.

     La décoration sculptée fut sous-traitée à Johann August Nahl, la serrurerie à un artisan colmarien, Moßmann, qui avait déjà confectionné les serrures pour l’orgue de Marbach. Dans ses carnets, Silbermann dit avoir travaillé aux tuyaux de façade en août 1737. L’instrument fut achevé en atelier à la fin de l’automne. Il fut chargé le 21 novembre 1737 sur deux bateaux remontant l’Ill jusqu’à Colmar.

     Le montage fut assuré par Johann Andreas Silbermann et son frère Johann Daniel entre le 24 novembre et le 21 janvier de l’année suivante. Il dura plus longtemps que la plupart des orgues Silbermann de cette taille, en raison probablement des journées plus courtes de l’hiver.

     La composition d’origine était la suivante :

Grand-orgue (49 notes, C-c’’’)
Bourdon 8
Prestant 4
Flutte 4
Nazard 2 2/3
Doublette 2
Tierce 1 3/5
Cornet 5 rangs
Fourniture 3 rangs
Cromhorne 8 B+D

Écho (25 notes, c’-c’’’)
Bourdon 8
Prestant 4
Cornet 3 rangs

Pédale (25 notes, C-c’)
Flûte 8
Trompette 8

     Le marché annonçait un Bourdon 8 à la pédale, mais le jeu était ouvert, ce qui n’était pas antinomique avec cette appellation. A Marbach, en 1736, Silbermann prévoyait un «Bourdon en bois, ouvert, 8» à la pédale. A l’issue du montage de l’orgue d’Ensisheim en 1742, l’instrument du couvent des Unterlinden fut accordé par les deux frères Johann Daniel et Johann Heinrich Silbermann.
Les moniales furent tellement satisfaites de leur orgue Silbermann qu’elles firent ajouter un troisième clavier, un positif de dos, en 1743. Pour compléter le grand-orgue qui avait déjà quasiment une composition de positif, le positif de dos fut conçu un peu à la manière d’un récit, avec un jeu de tierce sur toute l’étendue du clavier, dont le 4’ était une Flûte conique dans les dessus et la Quinte 2 2/3 et la Doublette 2 étaient partiellement en façade, complété d’un dessus de Trompette :

Positif de dos (49 notes, C-c’’’)
Bourdon 8
Flutte 4
Quinte 2 2/3
Doublette 2
Tierce 1 3/5
Trompette de récit 8 c’-c’’’

     Nahl étant reparti à Berlin, la décoration fut cette fois sous-traitée au sculpteur colmarien Anton Ketterer I (1692-1748) (9), qui avait déjà travaillé plusieurs fois pour les Silbermann, à Saint-Matthieu de Colmar (1732), à Königsbrück (1732), à Rosheim (1733) et à Ensisheim (1742). Le positif fut monté entre le 13 et le 29 mai par les frères Johann Andreas et Johann Heinrich Silbermann, aidés d’un compagnon. Dans ses Spécifications, Silbermann précise qu’il fallut à Colmar «raccourcir les vergettes du grand orgue, modifier les abrégés et les pilotes de la pédale». Le nouveau positif fut joué pour la première fois le 2 juin 1743, dimanche de la Pentecôte.

     Cet orgue de quatre pieds à trois claviers, à la composition assez inédite, fut jugé si réussi qu’un instrument semblable fut posé en 1750-1751 pour le couvent des Dominicaines de Sylo, à Sélestat, et encore partiellement conservé à Sundhouse. Et lorsque l’autre couvent de Dominicaines de Colmar, celui des Catherinettes, commanda en 1771 un orgue à Johann Andreas Silbermann, c’est encore la même structure à trois claviers qui servit de modèle, dans une version un peu plus développée, avec une Montre 8 au premier sol, un Larigot et un Sifflet en plus au grand-orgue, un Cromorne 8 remplacé par une basse de Basson et un dessus de Trompette, une Trompette de positif remplacé par une Fourniture 2 rangs, un Flageolet 1 en plus à l’écho, mais une pédale réduite à quatre jeux empruntés au grand-orgue (Montre 8, Bourdon 8, Prestant 4, Basson 8). Le buffet est partiellement conservé à Altkirch.

     L’instrument fut régulièrement accordé. Un premier relevage intervint entre le 25 octobre et le 27 octobre 1751, par Johann Andreas aidé du compagnon Johann. Le 30 octobre, les sœurs y reçurent l’épouse de Johann Andreas, accompagné de leur fils Daniel, alors âgé de six ans. Ils repartirent le 3 novembre. Johann Andreas revint en août 1760 avec le compagnon Georg, originaire de Dresde, pour nettoyer l’instrument, astiquer la façade, accorder l’instrument et repeausser les aines des soufflets, ce qui montre que l’orgue était beaucoup utilisé par les moniales. En 1767, l’organiste Von Esch, de Saint-Martin de Colmar, recommanda le facteur Weinbert Bussy, un ancien compagnon de Louis Dubois, pour accorder l’orgue. L’organiste de Sélestat, Theobald Eppel, un ami de Silbermann, demanda à la prieure pourquoi le couvent ne demandait plus aux Silbermann d’accorder l’orgue, elle lui répondit que Von Esch lui avait garanti que Bussy savait aussi bien accorder qu’un autre facteur d’orgues. Mais lorsque Theobald Eppel revint à Colmar en septembre 1768, il découvrit que l’orgue était très mal accordé et que l’on ne pouvait vraiment bien jouer qu’en ré dièse. Pour changer le tempérament, Bussy n’avait pas hésité à couper les tuyaux et l’on trouvait encore dans l’orgue les rognures de métal des tuyaux ou des cheminées.

L’achat de l’orgue par la commune d’Eschentzwiller
Extrait de la délibération du conseil municipal

     A la Révolution, le couvent des Unterlinden fut fermé et l’orgue fut mis aux enchères le 29 septembre 1792. Plusieurs adjudicateurs se présentèrent pour racheter «les dites orgues et dépendances y compris les grillages en bois faisant la bordure du chœur sur le devant» :

  • Jean Lantz proposa 1 000 livres,
  • Ferdinand Haderbeck, d’Hattstatt, surenchérit à 1 300 livres
  • V. Wittmann, de Colmar, offrit 1 400 livres, • François Meyer, maire de Fessenheim, monta à 2 500 livres,
  • V. Wittmann emporta les enchères en versant finalement 3 650 livres.

     Ce dernier fit une bonne affaire, puisqu’il revendit l’instrument pour plus de 4 500 livres à la commune d’Eschentzwiller. Le maître d’école de ce village avait été envoyé visiter plusieurs des instruments mis en vente : la confrérie Saint-Yves lui avait en effet payé 24 livres pour deux voyages à Luppach (dont l’orgue Bernauer a été transféré à Grentzingen), 10 livres pour un voyage à Thann et 70 livres pour trois voyages à Colmar. C’est là qu’il semble avoir porté son dévolu sur l’orgue du couvent d’Unterlinden. Le 28 octobre 1792, le conseil municipal d’Eschentzwiller décida en effet d’acheter cet instrument. L’extrait de la délibération du conseil municipal (traduction approximative) : «Le 28 vendémiaire 1792 dans la première année de la République française, nous nous sommes réunis, nous les fonctionnaires et notables municipaux, ici (dans la maison du conseil municipal) pour décider de l’achat d’un orgue. Johannes Kleinhans Theobald, fils du sacristain de notre église, donation de la confrérie de Saint-Yves, et membre de la municipalité d’Eschentzwiller, est autorisé à faire une collecte pour atteindre la somme de 5 800 livres pour l’achat d’un orgue destiné à l’église Saints-Pierre-et-Paul. Pour cet achat il doit rendre des comptes et peut aussi ramasser un peu plus d’argent…».

     L’origine de cet orgue est bien prouvée par les comptes de la confrérie Saint-Yves (traduction de l’allemand) : «A Colmar pour l’orgue du couvent des Unterlinden payé selon quittance 4 577 livres 10 centimes. Au même moment pour droit d’enregistrement payé 39 livres 1 sol. A celui qui a ramené le dit orgue de Colmar pour loyer et frais payé ensemble 346 livres. Aux menuisiers de Schlierbach pour faire le garde-corps de la tribune dans l’église et pour poser l’orgue, payé 75 livres. Au facteur d’orgues de Thann pour poser et améliorer l’orgue payé selon accord et quittance 805 livres. A ces facteurs d’orgues un pourboire de 11 livres 16 sols». Ce fut donc le facteur Jean-Joachim Henry et son fils Joseph, établis à Thann, qui furent chargés de remonter l’orgue à Eschentzwiller. Mais pour 805 livres, les améliorations signalées restèrent assez modestes. Il est néanmoins possible que, dès cette date, le grand buffet ait été modifié et que la Quinte 2 2/3 du positif ait été décalée en Prestant 4.

L’instrument durant les premières années du XIXe siècle

     Vers 1807-1808, l’orgue Silbermann fut assurément joué par Martin Vogt, compositeur d’origine allemande et futur organiste de Saint-Martin de Colmar, qui était alors professeur de piano et de violon au collège privé d’Eschentzwiller, fondé et dirigé par les frères Venant-André et Alexandre-Pierre Moll.

     L’instrument fut très vraisemblablement relevé en 1817 par Conrad Bloch, facteur suisse établi à Aesch, près de Bâle. Lorsqu’en 1822 il s’offrit à réparer l’orgue de l’église Saint-Fridolin de Säckingen (D), il présenta une série de certificats pour ses travaux antérieurs, dont un daté du 21 mai 1817 pour la réparation, le nettoyage et l’accord d’un «orgue Silbermann de trois claviers», dans une localité non nommée.

     Tant Musch, qui a retrouvé la liste de ces attestations, que Meier, qui a tenté de dresser la biographie de cet artisan, ont émis l’hypothèse qu’il s’agissait de l’orgue Silbermann d’Arlesheim, près de Bâle. Mais lorsque l’on se souvient que le 10 mai 1817 Bloch signa un marché pour un orgue neuf dans le village voisin de Habsheim, à 3 km d’Eschentzwiller, un instrument de 24 jeux sur deux claviers achevé en août 1820 et dont le buffet est conservé, on peut penser qu’il est beaucoup plus vraisemblable que c’est l’orgue d’Eschentzwiller que le facteur suisse répara, nettoya et accorda entre le 10 et le 21 mai 1817.

     En 1825, l’organiste titulaire était François-Henry Berger, né à Ottmarsheim le 4 octobre 1771.

La reconstruction de 1848 par les frères Burger

     Longtemps ignorée des historiens de l’orgue d’Eschentzwiller, cette transformation importante n’est que très peu documentée par les archives communales et paroissiales. Dans la délibération du 6 février 1853, le conseil municipal se plaignit de manquer de ressources financières et cita la nécessité dans laquelle elle avait été placée de faire «appel au dévouement de ses habitants» pour faire «faire une réparation de 3 000 frs à l’orgue de l’église paroissiale». Dans une autre délibération, datée du 7 mai 1854, le conseil municipal parle même d’un orgue neuf : «pour prouver la bonne volonté qui anime la commune, que faute de moyens communaux, les cotisations personnelles dans cette petite localité de 900 habitants, ont acquis à la commune dans le courant de ces dernières années moyennant une somme totale de 5 000 frs une pompe à incendie, un orgue neuf, une salle d’asile, outre l’entretien régulier des indigents». En 1849 la fabrique versa 71,50 francs pour «peintures du buffet de l’orgue». Mais l’auteur de cette reconstruction n’est pas cité par les archives.

     Dans le cadre de l’étude préalable à la restauration de l’orgue, rédigée en 2012 par Christian Lutz, des recherches furent entreprises pour identifier le facteur d’orgues à qui avaient été confiés ces travaux. A l’examen du matériel ancien, on pouvait affirmer que cette intervention ne pouvait être attribuée à aucun des facteurs alsaciens actifs autour de 1850 (Callinet, Stiehr, Rinkenbach, Herbuté, Frantz, Hérisé, etc.) et que les techniques de construction évoquaient davantage un facteur helvétique. Deux pistes ont alors été explorées. D’une part, il était possible que l’on  ait cherché à recontacter Conrad Bloch. Mais celui-ci était décédé en 1844 à Aesch et son fils Franz Xaver, né vers 1818, ne semble pas avoir été un facteur très actif : on ne lui connaît que deux interventions, toutes deux datées de 1840, la construction d’un petit orgue pour la chapelle du château de Böttstein (CH), qui est conservé au musée des instruments de musique de Leipzig, et la réparation de l’orgue Bossart de Hermetschwil (CH). Les tuyaux de l’orgue conservés au musée sont «tous mal soudés», comme ceux d’Eschentzwiller, mais les soupapes du sommier, semblables à celles du sommier de l’orgue construit en 1826 par Conrad Bloch et très partiellement conservé à Undervelier, sont nettement différentes de celles d’Eschentzwiller. Par ailleurs, les marques à la pointe sèche photographiées dans l’orgue Abbrederis de Neu Sankt Johann et attribuées par Hans Musch à Conrad Bloch sont très différentes de celles relevées à Eschentzwiller. En revanche, la visite des orgues de Rodersdorf et de Laufon, en Suisse, a permis d’attribuer sans aucun doute possible la reconstruction de l’orgue d’Eschentzwiller aux facteurs helvétiques Burger. En particulier, les tuyaux de façade des petites plates-faces de l’orgue de Laufon présentent des aplatissages d’une forme très rare, en demi-cercle au-dessus de la bouche, que l’on retrouve exactement dans les dessus de la Montre 8 d’Eschentzwiller.

     Cette attribution a finalement été confirmée par une inscription retrouvée dans le couvercle de la laye du positif de l’orgue lors de son démontage.

Composition de l’instrument en 1848
Composition de l’instrument en 1848 à l’issue des travaux de reconstruction

     La reconstruction par les facteurs Burger porta sur les points suivants :

  • Suppression totale de l’écho.
  • Déplacement du sommier et des tuyaux du positif derrière le grand buffet et installation d’une console indépendante dans le buffet du positif. Pour pouvoir utiliser le sommier du positif de dos de Silbermann pour leur positif intérieur, les frères Burger ont construit une nouvelle laye sous la grille et ont confectionné un nouvel abrégé (voir ci-dessous).

  • Ajout de deux chapes et de cinq notes au sommier du positif.
  • Construction d’un sommier neuf pour le grand-orgue, de 54 notes.
  • Construction d’un sommier neuf pour la pédale, de 25 notes.
  • Élargissement du grand buffet.
  • Installation de 12 jeux neufs.

     Ces transformations se firent probablement sur les conseils de Charles Kienzl, organiste et compositeur d’origine autrichienne, établi à Guebwiller, qui s’était marié en 1831 à Eschentzwiller et revenait souvent dans le village. Ci-après, le buffet de l’orgue métamorphosé après l’intervention des frères Burger.

Les transformations de Berger

     Des réparations furent entreprises en 1862, pour 275 francs, et en 1863, pour 551,05 francs, confiées cette fois à Jean-Frédéric Verschneider. En 1876, on versa 600 marks à un facteur non nommé, pour un renouvellement du soufflet. Une autre réparation anonyme est citée en 1884-1885, pour 240 marks. Plus importante fut l’intervention de Joseph-Antoine Berger, facteur à Rouffach, réglée le 5 septembre 1895 (traduction de l’allemand) : «A été payé une note de M. J.A. Berger, maître facteur d’orgues à Rouffach en Haute Alsace : réparation en profondeur de l’orgue d’église 500 marks, réparation du soufflet 50 marks, deux claviers manuels neufs 120 marks, un pédalier neuf 30 marks, de nouveaux pommeaux de tirants de registres avec porcelaines pour les inscriptions 30 marks». Outre les 730 marks de cette facture, on paya encore 10 marks pour les «deux travailleurs à l’orgue» et 1,60 marks pour «huit grandes vis à bois pour le soufflet».

     En 1914, c’est Koller, accordeur à Lörrach, en Allemagne, qui fut choisi pour entretenir l’instrument. Les tuyaux de façade furent réquisitionnés le 1er mars 1917 par l’administration allemande ; un tableau conservé dans les archives paroissiales indique que les 89 tuyaux pesaient alors 133,8 kilos. Ils donnèrent lieu à une indemnité de 904,70 marks. Contacté en 1920, Joseph Rinckenbach vit un instrument en «triste état» et répara le soufflet pour 85 francs. Mais ce n’est pas à cette date qu’il renouvela en zinc les tuyaux de façade, comme Meyer-Siat en fait l’hypothèse et Koehlhoeffer l’avance comme un fait établi (en parlant de tuyaux en «zing»). Peut-être le renouvellement de ces tuyaux de façade fait-il partie de cette «réparation» pour laquelle Joseph Rinckenbach toucha 1000 marks, selon une quittance du 7 février 1923 ?

     Le 25 mars 1928, le conseil de fabrique examina trois devis, deux de Roethinger et un de Berger, pour environ 10 000 francs, et regretta que l’on ne puisse doter l’instrument d’une transmission pneumatique, ce qui serait revenu à environ 50 000 francs. Ce fut finalement Alfred Berger qui répara l’orgue en juin 1930, pour 11 475 francs. Outre de nouveaux tuyaux de façade en zinc, il posa deux jeux neufs, une Voix céleste au positif et un Violoncelle à la pédale, il changea aussi un jeu au grand-orgue (?) et posa un ventilateur électrique.

Les travaux de la maison Kern

     A l’occasion de la réfection du plafond de l’église en juin-juillet 1952, du plâtre et autres gravats tombèrent dans l’instrument et plusieurs tuyaux furent même écrasés par la chute de planches d’échafaudage. L’expert nommé par les assurances estima le préjudice à 370 000 francs, ensuite ramené à 220 000 francs en raison de la vétusté de l’ouvrage. Roethinger vint en mars 1953 et suggéra une restauration approfondie plutôt qu’un simple relevage, ce qui semble avoir inquiété le conseil de fabrique. En revanche, Alfred Kern, récemment installé à son compte à Strasbourg-Cronenbourg, visita l’orgue le 18 mai 1953 et estima la somme de 220 000 francs «très belle», dépassant de beaucoup la valeur des dégâts causés par le plâtrier ; «demander plus ne serait pas honnête». Le 24 mai 1953, il proposa néanmoins une transformation profonde, avec le rétablissement du positif de dos, la construction d’une nouvelle console en fenêtre, l’extension à 56 notes des sommiers manuels et à 30 notes de celui de la pédale, ainsi que plusieurs modifications de la composition.

     Schwenkedel fut également consulté. Le jeune abbé Ringue vint lui aussi donner son avis le 20 juillet 1953 et recommanda Kern.

     L’assurance du plâtrier consentit finalement à verser 300 000 francs, après une longue procédure. Dans un nouveau devis envoyé le 29 septembre 1953, Alfred Kern proposa de s’en tenir à 392000 francs de travaux, sans construction d’une nouvelle console, avec quelques changements de jeux :

  • Remplacement du Bourdon 8 du positif par un Nazard 2 2/3.
  • Transformation de la Schweizerflöte 4 en Doublette 2.
  • Remplacement de la Voix céleste par une Cymbale 3 rangs.
  • Renouvellement de la Trompette 8 du grand-orgue, de «construction très primitive». Remplacement du Basson-Hautbois, «en très mauvais état», par un Cromorne.

     Ce devis fut approuvé par le conseil de fabrique mais lors de la réalisation durant l’hiver 1954, les deux jeux d’anches proposés ne furent pas réalisés et les jeux anciens furent déposés à la sacristie en raison de leur piètre état, avant de disparaître durant les années suivantes. En revanche, deux tuyaux neufs furent livrés pour décaler d’un ton la Gambe du grand-orgue et un régulateur anti-secousses fut ajouté sous le sommier du grand-orgue, pour un montant total de 460 000 francs. L’instrument rénové fut inauguré le dimanche 28 mars 1954 par Joseph Mona, de Mulhouse.

     En 1962, la maison Kern proposa à nouveau la confection d’une Trompette et d’un Cromorne, en cuivre et en spotted, pour 2 450 nouveaux francs. Mais rien ne se fit. Il fallut de nouveaux dommages causés aux tuyaux du positif par des travaux de peinture pour que l’on demande à la maison Kern un nouveau devis, qui fut envoyé le 27 février 1986. Outre un relevage chiffré à 94000 francs hors taxes, il proposa de poser une Trompette et un Basson-Hautbois, soit neufs, soit d’occasion. L’Association de Restauration des Orgues D’Eschentzwiller, fut fondée le même 27 février 1986. Elle fit demander le classement des orgues au titre des Monuments historiques : la Commission supérieure des Monuments historiques donna un avis favorable au classement lors de la séance du 10 octobre 1986 et la partie instrumentale fut classée par arrêté du 16 octobre 1987. Sans attendre la signature de l’arrêté de classement, Marc Schæfer envoya le 25 novembre 1986 un «avant-projet de restauration-reconstruction», préconisant le retour à l’état de Silbermann, en conservant néanmoins la pédale du milieu du XIXe siècle. Mais sans en aviser la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Strasbourg ni prévenir Marc Schæfer, la commune signa le 11 avril 1988 un marché avec la maison Kern, sur les conseils de Jean-Christophe Tosi, expert au conseil général du Haut-Rhin. Pour un montant de 252 173,25 francs hors taxes, il était prévu un relevage de l’instrument, accompagné de quelques changements de jeux :

  • Pose d’une Trompette neuve au grand-orgue.
  • Remplacement de la Voix céleste 8 du positif par une Tierce 1 3/5.
  • Pose d’un Cromorne neuf au positif.
  • Remplacement du Violoncelle 8 de pédale par un Clairon 4.

     La tuyauterie fut démontée au cours de l’été 1988. En cours de chantier, Daniel Kern proposa le remplacement en étain des tuyaux de façade en zinc, pour 95 000 francs hors taxes. Pour ces travaux complémentaires, la commune demanda une subvention aux Monuments historiques, par courrier du 4 octobre 1988. Apprenant ainsi que des travaux étaient en cours sur cet orgue classé, sans autorisation des Monuments historiques, le préfet ordonna le 24 octobre 1988 un arrêt sans délai du chantier et l’envoi du projet de restauration pour examen par la Commission supérieure des Monuments historiques. Lors de la séance du 9 décembre et dans le cadre d’une «communication diverse», la commission supérieure fut informée par le rapporteur Michel Chapuis des travaux en cours, sur la base d’un dossier de Marc Schæfer, mais le procès-verbal de ces débats ne garde pas la trace d’un échange sur le parti de restauration.

     La conservation régionale des Monuments historiques interpréta cette délibération comme un avis favorable au devis de l’entreprise Kern mais elle demanda le maintien des tuyaux de façade en zinc, ce qui n’avait pas été évoqué à Paris, tout en chargeant Marc Schæfer du suivi des travaux. Les travaux s’achevèrent au printemps 1989 et furent inaugurés le 25 juin 1989 par Daniel Maurer, organiste à Mulhouse. Peu après, un plafond et un panneau arrière furent posés par Kern au positif, pour 3 800 francs hors taxes ; cette dépense fit l’objet d’une subvention de 40 % de la part des Monuments historiques.

     La maison Kern revint à la charge en juin 1993 pour le remplacement en étain des tuyaux de façade mais cette proposition essuya un refus de la part de la Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Alsace, qui n’y voyait aucun caractère d’urgence. La commune relança cette demande en 2000 en transmettant un devis de Kern daté de 1997. L’accord de la DRAC fut cette fois obtenu et de nouveaux tuyaux de façade furent posés durant l’été 2000, pour un montant de 126 500 francs hors taxes.

     Et l’histoire se répéta une fois encore, pour la troisième fois en un peu plus de cinquante ans : de nouveaux travaux de peinture réalisés en 2009 dans l’église provoquèrent des bosses et des projections de peinture sur ces tuyaux de façade tout neufs… Ces dommages furent réparés par Jean-Christian Guerrier, qui remplaça alors la maison Kern pour l’entretien de l’instrument.

La restauration de 2014-2016

     Les travaux de 1989, complétés en 2000, n’avaient pas donné satisfaction et l’orgue présentait divers défauts :

  • Bien que majoritaire et très bien conservée, la tuyauterie de Silbermann avait été systématiquement recoupée. Sa taille était donc trop grosse, ce qui aurait pu lui conférer de la poésie, mais lui donnait plutôt une certaine mollesse. Pas un tuyau de Silbermann ne sonnait dans son harmonie d’origine, ce qui faussait totalement l’appréciation que l’on peut avoir de la facture de Silbermann.
  • En raison de l’alimentation en vent et de la taille des gravures du sommier, la qualité du vent était très discutable. Dès que l’on tirait plus de trois ou quatre jeux ensemble et surtout le Bourdon 16 dans le plein-jeu ou dans un autre mélange, le vent dépressionnait fortement à l’attaque de l’accord, ce que même un auditeur profane pouvait bien entendre. Ce défaut congénital était lié à la facture même des sommiers et des porte-vents de Burger et ne pouvait être corrigé sans reconstruire les uns et les autres avec des sections mieux calculées. Le soufflet anti-secousses ajouté par Alfred Kern en 1954 n’avait d’ailleurs pas réussi à améliorer la qualité du vent.
  • En raison de la console indépendante et de la mixité des systèmes de transmission (mécanique suspendue au positif et non suspendue au grand-orgue), le toucher des claviers était assez grossier et ne permettait pas de tirer tout le parti musical que l’on aurait pu attendre de la tuyauterie du XVIIIe siècle. Si les claviers pris isolément n’étaient pas trop durs, le toucher devenait très résistant et quasiment injouable lorsque l’on tirait l’accouplement entre les claviers.
  • L’état hérité de la fin du XXe siècle était un état hybride et peu satisfaisant, avec une structure du milieu du XIXe siècle cohabitant avec des jeux refaits à la manière baroque comme le Nazard, la Tierce et le Cromorne du positif mais qui n’en faisaient pas pour autant un orgue baroque.
  • Alors que le dessin d’origine des buffets de Silbermann était un modèle d’élégance et de proportions, le buffet d’Eschentzwiller était indéniablement plus lourd et plus disproportionné et l’on
    ne pouvait que souhaiter un retour aux équilibres originels.

     L’étude préalable rendue en 2012 par Christian Lutz constata que la reconstitution de l’état de 1743 ne posait guère de problèmes, avec une part très limitée d’incertitudes : la composition d’origine était connue avec certitude, les archives Silbermann fournissaient de nombreuses données, y compris les dimensions des sommiers et des soufflets, et nombreux étaient les autres orgues de Silbermann qui pouvaient servir de modèles. Par ailleurs, l’orgue d’Eschentzwiller offrait la dernière opportunité qui subsistait de restituer ce modèle d’orgues de couvent de quatre pieds et trois claviers. A Sundhouse, la trop faible hauteur sous plafond rend irréalisable toute tentative de restitution du grand buffet et à Altkirch il reste bien trop peu de reliquats, d’autant que l’orgue Rinckenbach qui s’y trouve présente également une indiscutable valeur patrimoniale.

     Ce parti de restauration fut approuvé par la Commission nationale des Monuments historiques lors de la séance du 18 octobre 2012. La réutilisation de la pédale de Burger, étudiée sous forme de variante, fut alors écartée et il fut décidé de restituer la pédale de deux jeux et 25 notes de Silbermann, avec pour seul compromis l’ajout d’une tirasse du grand-orgue, qui n’existait pas dans l’instrument d’origine.

     Une première consultation des entreprises, au printemps 2013, conduisit à choisir l’entreprise Blumenroeder pour la restauration de l’orgue. Mais suite à une requête en référé contractuel déposée par les entreprises Dott, Guerrier, Kern et Muhleisen, exploitant une faille dans la procédure, cette première consultation fut annulée. Une seconde consultation fut alors menée à l’automne 2013 et le choix de Quentin Blumenroeder fut confirmé, pour un montant de 303 342 € hors taxes.

     Le chantier de restauration se déroula de novembre 2014 à septembre 2016. L’instrument restauré a été inauguré les 16 et 18 septembre 2016 par Benjamin Alard, avec le concours du Chœur des Trois Frontières, dirigé par Jean-Marie Curti.

Article extrait de la brochure n° 23 réedition juin 2017 « L’orgue Silbermann d’Eschentzwiller » – Société d’Histoire d’Eschentzwiller et de Zimmersheim. Vous trouverez l’intégralité des articles et des photos en vous offrant cette superbe brochure au prix de 15 euros.